Hip Hop Sans Frontières

[Chronique] C-Lance – The Undying Flame

1. Intro
2. Sons Of Godzilla (feat. Apathy, Celph Titled & DJ Eclipse)
3. Avocado Money (feat. CRIMEAPPLE & Vinnie Paz)
4. Lord Of Illusions (feat. Jarren Benton & G-Mo Skee)
5. Total Disaster (feat. Cryptic Wisdom, Rittz & Novatore)
6. Behead The God (feat. SmooVth & Hus KingPin)
7. The Book Of Life (feat. Murs, R.A. The Rugged Man & Justin Cohen)
8. Macaulay Culkin (feat. Merkules & Chris Webby)
9. Something Different (feat. Junk & DJ Eclipse)
10. Leap Of Faith (feat. Evidence, Big Twins & DJ Eclipse)
11. Bring The Terror (feat. Blaq Poet, Reef the Lost Cauze & DJ Eclipse)
12. Tales From The Darkside (feat. ILL BILL, Snak The Ripper & DJ D-Rec)
13. An Interlude By Stoupe (feat. Stoupe)
14. Riots By Masked Men (feat. Lord Goat, Recognize Ali & DJ Eclipse)
15. Wildfire (feat. Sick Jacken, Madchild & Justin Cohen)
16. Keep Calm (feat. Daniel Son, Charlie Fettah & Jay Royale)
17. Last Wishes (feat. Termanology, Esoteric & Slaine)
18. Ride It Out (feat. Blind Fury & Young Stitch)

Localisation : Andover / Boston, Massachusetts

Année : 2022

Il va sans dire qu’il y a un « avant » et un « après » Jedi Mind Tricks. Ou plus précisément, une tournure des évènements qui a donné un second souffle à Vinnie Paz. On reviendra dessus à travers nos longs dossiers consacrés à ces légendes de Philadelphie.

Si je l’introduis ainsi, c’est par ce que le beatmaker C-Lance en doit une au crew. Il a par exemple produit 4 titres sur Season Of The Assassin (2010) de Vinnie, 4 titres également sur l’album « Violence Begets Violence  » de Jedi Mind. Puis entre 2012 et 2013, 6 titres toujours pour Paz. Sans compter les 7 titres sur « The Cornerstone Of The Corner Store » (2016) ! Je ne vais pas tous les faire, mais il est omniprésent sur les projets du rappeur. Et enfin, le point culminant est son implication totale, au point d’être crédité en tant que « co-producteur » sur l’album « The Bridge & The Abyss » (2018) de Jedi Mind Tricks. Pourtant produit par l’indétrônable Stoupe lui-même.

Le C.V est trop long, je rajoute quelques essentiels dont : Rittz, Benny The Butcher, Conway The Machine, Tech N9ne, Hospin, R.A The Rugged Man, Ill Bill, Madchild, Army Of The Pharaohs, Snak The Ripper, Tha God Fahim, Chris Weeby, Mercules, Murs, M-Dot, Xzibit, B-Real, Demrick, Slaine……

Ça aiguille un petit peu sur la direction artistique de ses prods. Son style ne connaît aucune limite. La preuve, il a sorti une série d’albums instrumentals avec des thèmes très variés : Beast Of The Congo, Curse Of The Middle East, The Pret Of Bangkok, What Lies Beneath Paris, The Demon of Hiroshima… L’idée est de se servir de samples de différents pays et de créer une ambiance bien ciblée. Ambitieux et bien mené, grande réussite pour cette série débuté en 2021.

Un casting à la hauteur de l’événement

C’est un événement pour au moins deux raisons. La première : c’est le premier et unique album solo du producteur à ce jour. La seconde : il a réuni un casting assez incroyable et très diversifié. La route de son succès semble rapide quand on sait que son premier titre « Science of the Trife » a vu le jour en avril 2010. Il a une patte bien à lui, il faut le reconnaître. La majorité de ses morceaux instaurent une ambiance particulière, elles peuvent toucher à tout. On a parfois l’impression, que c’est le rappeur qui est en feat sur la prod, et non le contraire. L’atmosphère est tellement pesante dans certaines productions, qu’on peut en oublier qu’il y a des rappeurs de qualité qui posent dessus. C’est un hit à elle seule la prod ! Je reste toujours scotché par son travail, il a sorti des centaines d’instrumentales, et pourtant, il continue de nous étonner.

C’est un peu comme du Dj Premier, on pense avoir fait le tour et on tombe encore dedans. C’est la marque des grands producteurs, il se démarque à la première écoute. Précision importante, l’album comporte 18 pistes, ce qui est long, il faut le reconnaître. On fini avec 16 morceaux rappés. Et forcément, il faut faire un choix, car certains se démarquent largement comparés à d’autres qu’on oubliera.

La première grosse claque nous provient du meilleur morceau à mon sens « Total Disaster ». Le rappeur Cryptic Wisdom originaire de Tucson (Arizona), est une excellente surprise. Il propose un style très particulier, un rap alternatif avec des influences pop-rock, avec beaucoup de chant donc. Il se permet un excellent refrain et un couplet de haute volée. Son style colle parfaitement au titre. Rittz et Novatore l’accompagnement également parfaitement sur une boucle de piano de toute beauté. Un underground hit direct.

Si l’on veut rester dans le style en termes de rap pur, on se tournera vers « Macaulay Culkin » avec Merkules & Chris Weeby. Ces deux-là n’ont également aucun mal à pousser la chansonnette si besoin. Macaulay Culkin est un ancien enfant acteur qui a notamment joué le rôle de Kevin McCallister dans le film « Maman j’ai raté l’avion » en 1990, ainsi que dans sa suite de 1992. Après quelques années de succès en tant qu’enfant-acteur, Culkin s’est retiré de la scène et a mené une vie plutôt discrète. Eux ne sont pas seuls à la maison, mais seuls sur le beat. Ils sont comme des malades qui se sont échappés de l’asile, la prod sera calcinée en somme. D’ailleurs, cette dernière est très particulière, elle revêt un sentiment plutôt joyeux comparé au reste de l’album. On dirait une musique de fantômes ou pour faire peur aux enfants. Très efficace.

Le morceau en one shot du rappeur Junk et de DJ Eclipse est un bijou. « Something Different », un mono couplet plein d’ego-trip très efficace. Le sample contient une voix et une petite guitare qui semble provenir du fin fond du désert mexicain. Dur de ne pas succomber, l’une des meilleures productions du producteur.

Et derrière ça, tu passes à « Leap Of Faith » avec Evidence, Big Twins et encore ce mythique DJ Eclipse. Tu comprends que le mec est intraitable. Et dans un style encore différent, on trouve « Last Wishes » avec les légendes de Boston : Termanology, Esoteric (CZARFACE, Army Of The Pharaohs) et Slaine. Le titre en question sample « Stop the Bells » de Members of the Staff. Hit-Boy a d’ailleurs utilisé ce sample pour « Store Run » pour  Nas sur King Disease II. Ce n’est pas la même partie du titre qui est utilisé, et on y voit que du feu. Génie. Ce qui vient prouver encore une fois, qu’un sample peut s’utiliser de mille façons différentes, il suffit d’être créatif, les réservoirs du rap sont inépuisables. Et avec ces beatmakers de talents, l’avenir est assuré.

Une autre collaboration toute aussi étonnante que réussi réuni Murs, R.A The Rugged Man et le chanteur Justin Cohen. Encore une prod’ taillée sur mesure, il joue bien avec les drums et cela met en avant les couplets des rappeurs. L’énigmatique Behead The God avec les rappeurs du crew Tha Connection : Hus KingPin & SmooVth mérite une écoute également. « Lord Of Illusions » nous rappelle directement Stoupe, dur de ne pas reconnaître l’influence du maître. Le titre aurait largement eu sa place sur « Vision Of Ghandi » ou « A History Of Violence ». Quel plaisir également de retrouver Blind Fury sur « Ride It Out » avec un style qui se rapproche de la trap pour le coup. Young Stitch, que je découvre également, propose un super refrain entre rap et chant. Le rythme imposé par le synthé ne laisse aucun doute sur le choix des flows, il faut tuer le morceau. C’est ce qu’ils font. On est vraiment sur un album brillant !

Jusqu’à présent, il était peut-être difficile d’identifier réellement le travail de C-Lance. Loin d’une compilation, d’un best of ou autre, on a cette fois un véritable album. Le lot de productions fournies est aussi varié que qualitatif. On se fait plus qu’une idée du travail du beatmaker, on le place dans les meilleurs du moment. Si tant de rappeurs lui ont fait confiance, ce n’est pas pour rien. Ce projet mettra fin aux doutes ou aux interrogations que certains pourraient avoir. Il peut tenir sur la durée et proposer à la fois un casting de qualité et des productions innovantes. Ce qui nous amène à dire qu’il est bien plus efficace quand c’est lui qui mène la danse. Ce qui est moins le cas sur des collaborations avec un artiste / groupe (sur un projet entier). Son nom peut se lire « Silence », donc oui, quand il s’exprime via sa musique, on apprécie le spectacle. C’est tellement varié qu’il ne rentrera dans aucune case, hormis celle de la qualité assurée. Vivement la suite !

Chronique rédigé par Fathis