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[Chronique] Youssef Swatt's - Pour Que Les Étoiles Brillent ​

01. Azero
02. Le rap est mort
03. Le poids des mots (feat. Oxmo Puccino)
04. Remonter le temps
05. Ma belle
06. Fais-le
07. Alinéa
08. Bic rouge
09. Allume la lumière
10. Étoile filante feat Coline & Toitoine
11. Miroir
12. Les invisibles
13. Entre deux chaises
14. Solo
15. L’amie imaginaire
16. Quelques notes suffisent
17. Sauver le monde


Localisation : Belgique


Année : 2022

L’été est toujours très surchargé en sorties d’albums, et pas seulement rap. C’est en effet une excellente période pour diffuser sa musique, celle qui vous accompagnera dans vos voyages en voiture ou dans les transports en commun. Surtout aujourd’hui, où la majorité des gens écoutent la musique sur YouTube, Deezer, Spotify et autres. Ce qui offre une garantie d’avoir sa musique avec soi à tout moment. C’est donc le bon moment pour dégainer et offrir aux auditeurs des moments d’évasion. Youssef Swatt’s, le rappeur belge qui monte en puissance, saisit de nouveau sa chance et vient nous offrir une nouvelle galette. Il a eu 24 ans, il vient de la ville de Tournai située en Belgique, il est issu d’une famille algérienne. Comme beaucoup de rappeurs, il a commencé très tôt, dès son adolescence il s’est mis à rapper. Ses premiers projets apparaissent très tôt : « L’Amorce » (2014), « Petit Youssef » (2015), « Entre délires et freestyles nocturnes » (2016).

Son premier véritable album « Vers L’Infini Et L’Au-Delà » est sorti le 16 juin 2017, on y retrouve : Demi Portion, Seyté, L’Hexaler, Lacraps… Concernant la production, on retrouve : Crown (Grim Reaperz), MKash, JeanJass, El Gaouli et Mani Deïz. Son second album « Poussières D’espoir » est entièrement produit par El Gaouli. Et comme souvent avec notre producteur national, la qualité est au RDV !

Arrive donc l’année 2022 et le troisième album de notre jeune Mc, son inspiration, cette fois, il est allé la chercher encore plus loin. En effet, il est parti faire un roadtrip en Islande pour s’inspirer des beautés insondables et des paysages féériques qu’offre cette magnifique ile. Forcément quand on puisse dans l’infiniment grand, telles les aurores boréales, quand on s’imprègne des nuances de couleurs, on enrichit sa palette.

 

 

Pour que les étoiles brillent

 

L’album comporte 17 pistes sans aucun interlude, ce qui est assez rare aujourd’hui. D’autant plus, qu’il rappe quasiment tout le long,  on y retrouve seulement 3 invités : Coline (chanteuse) & Toitoine (producteur) qui sont un duo belge. Il est d’ailleurs le manager de ce duo. Et le dernier invité n’est autre que l’une des plus grands figures du rap français : Oxmo Puccino ! C’est logiquement la collaboration la plus marquante, le jeune rappeur sort vraiment un couplet inspiré et appliqué. Tout est bien calé et du premier mot au refrain, c’est très fort. Le maitre Oxmo fait naturellement sait qu’il sait faire de mieux, et comme toujours ça glisse tout seul. Et que dire du génie de la prod ? El Gaouli (qui est surement dans le top 5 des producteurs francophones de ces dernières années) fait encore des miracles. Il nous a habitué, avec ses samples de flutes en toutes genres, violon et autres, qui donnent cette ambiance orientale, très proche du rêve et de l’évasion. Et cela colle évidemment parfaitement avec l’ambiance de l’album et ce que je décrivais plus haut. C’est le premier hit de cet illustre album.

Le premier single se nomme « Le rap est mort » et il fait quasiment office d’introduction. C’est un sujet qui revient souvent dans les débats et qui est partagé par beaucoup de rappeurs. Chacun à son avis, il y a une part de vérité dedans car il faut souvent détruire pour construire ou pour évoluer. Il faut bien vider l’ancienneté pour accueillir la nouveauté. Le souci aujourd’hui, c’est que tout le monde fait la même chose… Et les textes n’intéressent pas les gros consommateurs de musique. Il y a néanmoins des passages qui sont vraiment marquants dans le titre :

    "Ils aiment bien quand ça bouge quand tu dis que chez toi ça tire
    Ils ont du mal avec ceux qui ont des choses à dire"

"Parfois j'me demande si le combat en vaut la peine
    Le rap est mort le croque-mort se cache derrière des labels
    Les rappeurs font l'apologie de la drogue et des tass
    Ils voulaient signer des contrat ils ont signé son épitaphe"

Le Rap est mort

La première partie de l’album concentre le plus de morceaux réussis, c’est varié, il y a plusieurs styles différents et c’est toujours très bien écrit. Le morceau « Remonter le temps » est par exemple plus pop / électro avec Toitoine à la production. Youssef s’adapte aisément au style et n’hésite pas à calquer la conception de ses écrits en fonction du style. Ainsi on trouve un refrain plus minimaliste et qui est plus simple à retenir, à l’image de ce style de musique. Le titre « Ma belle » est également différent de ce que nous propose le rappeur en général, on a droit à une balade et un gros message d’espoir. Car comme il le dit « Demain tout ira mieux, baisse les armes, sèche tes larmes… ». Ce qu’il confirme bien que musicalement parlant il touche à tout, bien que les sujets soient personnels, chacun peut y trouver son étoile dans son ciel.

Après avoir passé 4 ans à écrire, programmer et peaufiner son album, la marge d’erreur est très fine. Dans la continuité des balades, le morceau « Fais-le » produit de nouveau par El Gaouli est vraiment une belle musique. Un rythme assez endiablé et de la guitare et l’évasion est totale, car en effet, ce beatmaker a vraiment cette capacité à nous faire voyager. Les divers samples qui viennent composer le titre sont de toute beauté, en instrumentale, on aurait presque eu le même résultat tant c’est beau. Et l’on s’imagine là Youssef sous le ciel étoilé d’Islande à imaginer ses schémas de rimes et la force qu’il veut nous transmettre. Car c’est exactement de ce dont traitent ses paroles, il s’est totalement imprégné du tempo et tout est en accord, il devient l’instrument final pour magnifier le morceau. Le passage a capella est subliment orchestré, une météorite ce morceau !

Après avoir côtoyé les étoiles avec un titre tout en élévation et transportant à la fois le corps et l’esprit… on continue le voyage. « Alinéa » remet en scène la même équipe avec une ambiance totalement différente, elle fait écho aux murmures des forêts scandinaves qui revêtent lentement leur feuillage après un rude hiver. Le titre porte bien son nom, c’est court, ça marque une transition et on pourrait croire que c’est fini, mais ce n’est qu’une impression. Ce soir-là, les étoiles ont brillé et on le ressent. Le morceau « Miroir » fait appel à notre beatmaker habituel en plus de « L’Arménien » et à deux, ils réalisent une excellente production. C’est l’un des plus beaux morceaux pour ma part, c’est très profond et bien rappé. On retrouve également ce format classique de couplet / refrain / couplet / refrain / couplet / refrain. Ce qui se fait de plus en plus rare aujourd’hui. Il prouve donc bien que si c’est bien réalisé, ce rap vit encore.

Preuve qu’il a élargi son univers et son cercle, sur le morceau « Solo« , il fait appel à l’artiste belge Julie Schümmer et l’allemand Monk pour le beat. On sort des sentiers battus car la prod est plus expérimentale et la guitare électrique qui termine ce titre le prouve bien. Quand je vous dis, que ce Mc est tout terrain, c’est qu’il assure pleinement sur le morceau. Et que dire des derniers titres qui viennent parfaitement clôturer le projet ? Commençons par « Quelques notes suffisent » qui est une composition au piano livré par El Gaouli.

 

"Un jour tout ira mieux, un beau jour le ciel s'éclaircira
Tes défauts seront ta plus grande force tu les apprécieras
Tu t'appelleras toutes les étapes que t'as grillé
Toutes ces nuits passées à prier, pour que les étoiles se mettent à briller
"

Quelques notes suffisent

Arrive enfin l’épilogue « Sauver le monde » qui est une nouvelle musique seulement produite par des notes de piano. Il n’y a pas de beat, pas de drums, juste un piano et une voix, une sorte de duo. C’est à mon sens le morceau qui comporte le plus de punchlines et de métaphores, c’est très poétique et réel. Il ne raconte pas de fiction, d’ailleurs il ne l’a jamais fait et c’est une réelle force. Il ne vend pas du rêve, il donne de l’espoir, il brille par son authenticité, tout autant que le ciel sous lequel il écrit. C’est cette modestie qui fait toute sa beauté, cette façon de transmettre, sans être moralisateur ; de raconter son monde, et auquel on peut se connecter. Son talent pour l’écriture n’est plus à prouver à la vue de sa discographie, ses collaborations et ses références. Ces années « d’hibernation » lui ont permis de revenir sur le devant de la scène et de porter toute cette nouvelle génération. Oui il faut allumer des feux, pas en forêt, mais dans les cœurs, celui qui réchauffe. On ne peut plus parler d’un jeune homme d’une vingtaine d’années qui fait de la musique, on parle d’un artiste, authentique et détaché des rapports superficiels.

La Belgique et la ville de Tournai peuvent être fières de leur enfant, il contribue pleinement à l’essor du renouveau belge. Qui rappelons-le, s’impose de plus en plus en France et ailleurs. Concrètement, on ne peut pas reprocher grand chose au disque, on ne s’ennuie pas, il nous fait réfléchir mais sans se torturer l’esprit.
Le mélange de textes intelligents et l’univers musical très évasif et lunaire se marient à merveille. L’album porte pleinement son nom et on a parfois l’impression d’être à ses côtés durant ce roadtrip islandais. Et c’est l’une des choses qu’on demande à la musique, de nous faire voyager, et quand on comprend totalement les paroles, ce n’est que meilleur.
Je ne sais pas s’il faudra attendre aussi longtemps pour revoir un album de Youssef Swatt’s, mais celui-ci va nous aider à tranquillement patienter.
patienter.

Chronique rédigé par Fathis