En effet, ce jour-là, la voiture de la famille Rajab est prise pour cible par un missile israélien qui tuera sur le coup tous les membres de la famille de Hind, simples civils cherchant à fuir les combats incessants et les bombardements de l’armée israélienne. Seule survivante de la frappe meurtrière à ce moment là, la petite fille de 5 ans réussit alors à appeler les secours par téléphone. Mais, lorsque ces derniers arrivent sur place pour lui venir en aide, l’armée israélienne décide à nouveau de pilonner l’endroit, tuant ainsi sur le coup deux secouristes et la petite Hind. Son histoire a alors marqué et ému le monde entier car son appel téléphonique aux secours du Croissant Rouge fut enregistré et diffusé par la suite dans les médias, donnant ainsi un visage et une voix à tous ces civils injustement massacrés.
Ce terrible crime de guerre a donc finalement contribué à personnifier les victimes civiles palestiniennes, qui étaient, jusque là, invisibilisées par les médias occidentaux, empêchant toute forme d’empathie et d’identification à leur sort, et plus largement à la cause palestinienne. La petite Hind devenait ainsi un des premiers visages représentatif des dizaines de milliers d’enfants gazaouis massacrés depuis le début de ce génocide. Plus encore, son terrible sort ainsi que celui de sa famille a contribué à mettre en lumière les mensonges de l’armée israélienne. En effet, elle s’est défendue d’être responsable de cette bavure, accusant alors le Hamas d’être à l’origine de cet abominable crime de guerre, par un tir de roquette manqué… Or, c’est grâce aux images prises de la scène de crime puis de l’enquête des Nations Unies qui a suivi qu’on a pu déterminer la responsabilité de l’armée d’occupation. En effet, les impacts sur les véhicules et l’état des corps ne laissaient pas de place au doute : les constatations suite à cette attaque n’avaient rien d’un tir de roquette ou de quelque autre calibre d’arme détenu par le Hamas.
Ainsi, Hind est devenue le symbole des génocidés de Gaza et son cas a soulevé les foules à travers le monde entier. A partir de là, on a vu émerger des campements et des manifestations sur les campus universitaires à travers le monde occidental. Alors qu’aux USA les étudiants, bien seuls, s’organisaient et faisaient entendre leur voix contre la politique complice de Biden, le rappeur de Seattle a surpris tout le monde avec ce single coup de poing, « Hind’s Hall ».
« Les gens, ils ne partiront pas
Qu'est-ce qui est menaçant à propos de se désinvestir et de vouloir la paix ?
Le problème n'est pas les protestations, c'est ce contre quoi ils protestent
Cela va à l'encontre de ce que notre pays finance
(Hey) Tenez les barricades jusqu'à ce que la Palestine soit libre
(Hey) Tenez les barricades jusqu'à ce que la Palestine soit libre »Macklemore Tweet
Lui-même d’origine irlandaise, ses prises de position anti-guerre et anti-colonialistes n’ont rien de surprenant. Rappelons que l’Irlande fut colonisée de manière particulièrement violente par l’Angleterre, et ce durant des siècles : les premiers blancs colonisés par des blancs en Occident ! Là où, historiquement, la colonisation ne concernait que les peuples « subalternes », issus du « Sud Global », d’Afrique et d’Asie, l’Irlande, elle, est colonisée dès 1541 par la couronne d’Angleterre. Elle ne connaitra l’indépendance qu’en 1937, mais l’Irlande du Nord restera une colonie anglaise durant tout le XXe siècle, jusqu’à la fin de la guerre civile en 1998. La lutte pour la décolonisation irlandaise ayant été particulièrement sanglante, c’est donc un peuple qui possède un désir de liberté chevillé au corps et qui sait au plus profond de sa chair ce que peut endurer tout peuple colonisé.
C’est pour cette raison que les irlandais sont des soutiens indéfectibles de toutes les luttes d’indépendance, et qu’ils sont particulièrement investis dans le soutien pour la Palestine Libre. On le voit dans les stades de football, où le peuple scande corps et âme son soutien à cette cause ! Ainsi, Macklemore, par ses origines irlandaises, est particulièrement sensible à la guerre qui fait rage depuis le 07 octobre 2024 et plus largement à ce conflit dont les origines prennent racine en 1948 avec la terrible Nakba, premier exode de masse des palestiniens du à l’expansion sioniste. La bande de Gaza sera d’ailleurs un des lieux de concentration des palestiniens suite à cette première expulsion de leurs terres – elle sera d’ailleurs créé à cette occasion. Bien que la ville de Gaza existait déjà depuis l’Antiquité, elle va s’étendre et devenir, petit à petit, le territoire de quelques dizaines de kilomètres carrés bondé que l’on connaît aujourd’hui. Elle ne cessera de se densifier au fur et à mesure de l’élargissement de la colonisation israélienne, jusqu’à atteindre les 2,5 millions d’habitants et de réfugiés d’avant guerre. Les habitants de l’ancienne ville palestinienne de Jaffa par exemple, actuelle Tel Aviv, se sont réfugiés à Gaza suite à la Nakba de 1948…
« « Organiser, désapprendre et finalement couper les liens avec
Un État qui doit compter sur un système d'apartheid
Pour soutenir une occupation violente
L'Histoire se répète depuis les soixante-quinze dernières années
La Nakba n'a jamais pris fin, le colonisateur a menti »Macklemore Tweet
« Hind’s Hall » est donc un magnifique et émouvant cri du cœur de Macklemore, mais aussi une véritable prise de risque de sa part, à l’heure où les puissants lobbies sionistes usent de leur argent et de leur influence politique et judiciaire pour museler toute critique de la politique du gouvernement génocidaire israélien actuel. Amalgamant cela à de l’antisémitisme, lobbies et associations sionistes poursuivent, ostracisent et marginalisent toute personne, toute personnalité ou tout artiste usant de sa visibilité et de sa notoriété pour soutenir la cause palestinienne. Et ça, l’artiste le dénonce sans bégayer :
« Des politiciens qui servent par tous les moyens
AIPAC, CUFI, et toutes les entreprises
Vous voyez, le pays de la liberté nous vend de la peur
Mais cette génération est sur le point de briser ses chaînes
(…)
Nous voyons leurs mensonges/manipulations
Prétendant qu’être anti-sioniste c’est être antisémite J
'ai vu des frères et sœurs juifs là-bas et qui se joignent à nous
En solidarité et criant "Libérez la Palestine" avec eux»Macklemore Tweet
Dans cette chanson, il appuie donc là où ça fait mal, et il met l’Occident et son propre pays, les USA, face à leurs propres contradictions. En effet, ce sont les pays historiquement responsables des plus grands génocides de l’humanité mais aussi à l’origine de ce qu’on appelle la colonisation. Or, ce sont eux qui soutiennent, arment et aident de manière aveugle et indéfectible la partie génocidaire et colonisatrice du conflit ! L’Allemagne par exemple, en plus d’avoir été responsable de la Shoah durant la seconde guerre mondiale, fut responsable du premier génocide du XXe siècle en Afrique, celui des Hereros en Namibie en 1904. La France, l’Angleterre, furent les plus grandes nations colonisatrices occidentales, et les USA se sont eux-mêmes construits sur le génocide des indiens d’Amérique et la colonisation d’une partie du Mexique ! Et que dire des derniers conflits au Moyen-Orient menés par la coalition occidentale, cet axe dit « du bien », durant les guerres en Afghanistan, en Irak ou encore en Libye ? Cette vision purement binaire entre axe du bien et axe du mal, radicale et dénuée de toute nuance est particulièrement dangereuse car elle déshumanise « l’ennemi », l’autre, l’oriental… Et c’est le terreau sur lequel Israël légitime sa guerre. Difficile à contredire lorsqu’on est soi-même à l’origine de ce paradigme.
«Où se situe le génocide dans votre définition, hein ? (Hey ; hey)
Détruire chaque collège à Gaza et chaque mosquée
Déplacer tout le monde à Rafah et larguer des bombes
Leur sang est sur vos mains,
Biden, nous voyons tout
(…)
Et si tu étais à Gaza ? Et si c'était tes enfants ?
Si l'Occident faisait comme si tu n'existais pas
Tu voudrais que le monde se lève pour toi »Macklemore Tweet
Ce que Macklemore cherche à dénoncer avec sa chanson, c’est la contradiction provenant du silence complice et meurtrier d’un soi disant « Axe du bien », celui des Démocraties, des Droits de l’Homme et des défenseurs de la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes… Contradictoire. Situation bien embarrassante qui démontre combien ces théories ne sont que de simples concepts n’ayant, finalement, rien d’universels, et qui sont surtout parfaitement relatifs à la couleur de peau, à la culture et à la religion. Relativité ethnique, culturelle et cultuelle ! Et c’est cela que Macklemore dénonce aussi, le fait que les instances internationales pour la Paix, comme la Société des Nations (O.N.U) ou la Cour Pénale Internationale (C.P.I), n’œuvrent, finalement, que pour les intérêts de l’Occident, ses créateurs ! Heureusement, la C.P.I a tout récemment engagé des mandats d’arrêts internationaux contre les responsables des atrocités autour de ce conflit. C’est de cela qu’il s’agit lorsqu’il parle de suprématie blanche !
«« Mais il est trop tard, nous avons vu la vérité, nous en sommes témoins
Vu les décombres, les bâtiments, les mères et les enfants
Et tous les hommes que vous avez assassinés, et ensuite nous voyons comment vous le présentez
Qui a le droit de se défendre et qui a le droit de résister ?
Cela a toujours été une question d'argent et de couleur de peau, mais
La suprématie blanche est enfin mise à nu
Crions "Libérez la Palestine" jusqu'à ce qu'ils soient enfin chez eux »Macklemore Tweet
Un autre aspect fondamental de la dénonciation de Macklemore, c’est celle qu’il adresse sans commune mesure au milieu de l’Art et de la Culture mainstream, dépendant de l’argent du monde de la finance, et de l’image qu’ils peuvent véhiculer en bons représentants des pouvoirs en place, qu’ils soient financiers ou politiques. Or, un Art libre est un Art subversif, et critique vis-à-vis de toutes les formes de pouvoirs établis. Dans nos sociétés occidentales capitalistes, que ce soit Hollywood ou les grandes maisons de disques aux USA, c’est l’argent des producteurs et des investisseurs qui permet aux artistes de prospérer. Et on a bien vu que lorsque certains de ces artistes prenaient des positions qui allaient à l’encontre de la pensée des pouvoirs dominants, ils étaient marginalisés. Ce fut le cas par exemple de l’acteur international d’origine espagnole Javier Bardem, ou encore Melissa Barrerra, actrice du film Scream VI, qui fut virée de la franchise pour un simple post de soutien à la Palestine sur les réseaux sociaux. Mais c’est aussi le cas en France, et cela est d’autant plus criant, dans un pays où l’Art et la Culture sont une devise et vivent principalement des subventions de l’État, et donc du Gouvernement, c’est-à-dire du pouvoir politique en place. Prendre position contre les intérêts et les positions de l’État, c’est prendre le risque d’être marginalisé et ostracisé, de mettre un terme à sa carrière. On a pu le constater avec le cas de la championne Olympique de basket Emilie Gomis qui a pris régulièrement position pour la Palestine et qui a payé très cher ses convictions, en étant écartée de son poste d’ambassadrice des JO de Paris. Il est donc plus simple de garder le silence… Et c’est aussi cela que dénonce courageusement Macklemore dans sa chanson « Hind’s Hall ».
«Et l'industrie de la musique est silencieuse, les plateformes sont complices par leur silence
Où sont les artistes ? Qu'avez-vous à dire ?
Si j'étais sur un label, vous me dégageriez dès aujourd'hui
Et je serais d'accord avec ça car j’écris toujours ce que j’ai sur le cœur
Je veux un cessez-le-feu, merde à la réponse de Drake
Qu'es-tu prêt à risquer ? Qu'es-tu prêt à donner ? »Macklemore Tweet
Mais ce constat est grave et alarmant ! Car, n’est ce pas justement le rôle de l’artiste que de poser un certain regard sur le monde et de dénoncer, par ses œuvres d’art, les contradictions et les maux de notre monde ? L’art ne se doit-il pas d’être dérangeant (dans tous les sens du terme d’ailleurs !), comme le fait l’artiste avec ce morceau « Hind’s Hall » ? Historiquement en tout cas, c’est ce rôle que l’Art a endossé, et les plus grands artistes, ceux ayant inscris leur nom à la postérité, sont les plus subversifs. Pensons par exemple à la toile la plus connue de Pablo Picasso, il s’agit de la plus engagée politiquement, celle qui a dénoncé le massacre de toute une ville en Espagne, « Guernica ». Prenons encore le cas des rappeurs dont les noms sont restés et qui ont le plus marqué notre culture de leur nom ! Ce sont aussi les plus engagés et les plus incisifs : La Rumeur, IAM, MC Solaar, NTM, Lunatic, Assassin, Kerry James, Casey, Sheryo, Oxmo Puccino, La Scred Connexion, 2 Bal 2 Neg, Médine ou encore Alpha Wann en France ; Rakim, Ice Cube, N.W.A, Wu-Tang Clan, Public Enemy, KRS One, Mobb Deep, Nas, Big L, ou encore Kendrick Lamar aux USA, pour ne citer qu’eux ! C’est donc un vibrant hommage rendu par Macklemore, autant vis-à-vis de la petite Hind, que de tout le peuple palestinien. On valide fort ! Long Life to Macklemore and… FREE PALESTINE !!!
« Je viens à vous avec un rameau d'olivier dans la main gauche, et une mitraillette dans la droite. - Ne faites pas tomber le rameau d'olivier. »
Yasser Arafat Tweet
– Grand Responsable de l’Autorité Palestinienne, créateur de Septembre Noir pis de l’OLP, part politique palestinien. Il est à l’origine de la signature du (bien fragile et éphémère) plan de Paix de 1993 entre Israël/Palestine à Camp David, en compagnie de Ysak Rabinn et Bill Clinton –
Rédigé par Ranking Sarazin