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Portrait : Jedi Mind Tricks [Partie I] - Les Références

Localisation : Philadelphie, Pennsylvanie

Violent By Design / Vision Of Ghandi

Je me suis replongé dans l’écoute du plus grand groupe occulte-hardcore, mystique et j’en passe. Mais je ne me penchais pas vraiment sur les textes, pour moi c’était de l’ego-trip et du hardcore à l’état pur. Sauf qu’en regardant bien et en traduisant les lyrics, je me suis rendu compte qu’il y avait des vrais messages, des jeux de mots pointus, des références à l’antiquité comme à l’histoire moderne ; au monde religieux comme à tout ce qui touche aux Illuminatis et consorts ; des références à des tueurs et criminels tout autant qu’à des gens porteurs d’espoir. Les deux rappeurs Jus Allah & Vinnie Paz sont très intelligents et possèdent une culture générale extraordinaire. Je ne vais pas m’étaler sur la biographie du groupe (doit en avoir des dizaines sur le net…).

Il faut savoir que Stoupe est le producteur et Dj du groupe (aux côtés de l’autre Dj du crew non officiel : Dj Kwestion). Il a connu Vinnie Paz au lycée, le leader du groupe qui a aussi formé le collectif Army Of The Pharaohs, ensemble ils ont formé Jedi Mind Tricks. Jus Allah les a rejoint et a collaboré sur leur 2eme album sorti en 2001 : Violent By Design, considéré par les fans comme le meilleur de leur discographie. C’est à travers cet album que le groupe a explosé, ce fut une réelle bombe underground. Stoupe use de chaque type de samples, notamment russe et oriental, parsemés d’interludes et de lyrics technique, c’était le renouveau de la scène. Le groupe avait déjà imposé son style, textes hardcore avec un message, scratchs sur des beats qui tapent. On peut noter aussi les apparitions remarquées de Planetary d’Outerspace sur le morceau « I Against I » que je place dans le top 50 des morceaux underground. Planet’ commence par cette métaphore hallucinante :

"In my historical oracle, i blast metaphorical
Editorial educating in my terrotorial
"

On note déjà les rimes multi syllabique, et si on traduit en somme il se dit, être une tête pensante, il distille des lyrics pour éduquer les gens. Les 3 couplets du morceau sont de qualité et de par cette excellente entrée en matière, on ne peut que s’attendre à un couplet d’anthologie… je vous laisse écouter le morceau dans son intégrité.

Cet album possède d’autres hits dont l’excellent « Heavenly Divine » ou les 2 Mc’s du crew se passent le mic. Il est à noter que ce morceau fût un single sorti durant l’été 1999, à l’époque Vinnie Paz s’appelait encore Ikon The Verbal Hologram, car un autre Mc se nommait Icon The Mic King. Il a donc choisit son nouveau nom qui fait référence à un boxeur nommé Vinny Pazienza. Dans le morceau en question, Vinnie qui s’est converti à l’Islam (car il ne voulait pas suivre aveuglément la religion de ses parents, le catholicisme. Il traînait avec un gars qui lui a montré l’islam et il s’est retrouvé dedans). S’en donne à cœur joie pour descendre la Bible, le Pape et sa religion avec des phases comme :

"Broke into the Vatican, strangled the Pope with his rosary
Hologram burn churches"

L’album sera réédité en 2004 avec trois morceaux bonus, un DVD contenant le clip de « I Who Have Nothing » présent sur le premier album. Une vidéo sur le groupe. Jus Allah quittera le groupe après l’album d’origine, le groupe enchainera en 2003 avec Vision Of Gandhi. Cet album est assez controversé, pour certains c’est LE classique dû aux productions et la maturité qu’engendrera Vinnie Paz. D’autres sont déçus du départ de Jus et la tournure que prend le groupe. En effet, les instrus puissent beaucoup plus dans des samples de types / origines latines en samplant des artistes comme : Javier Solis, Tolis Voskopoulos, Los Dementes

Notons le premier single « Rise Of The Machines » ou on retrouve le rappeur californien Ras Kass qui a séjourné 19 mois en prison. Le titre tire son nom du film « Terminator 3 : Rise Of The Machines ». Le son est une sorte de protestation contre la violence dans le cinéma, doit-on projeter ça sur des écrans ? Qui est le plus violent ? Les musiques hardcore qu’écrivent certains rappeurs ou des films portés sur la violence pour captiver l’attention ? Au début du morceau, on entend un célèbre passage du boxeur Mike Tyson qui finit par :

"I'm just ferocious, I want your heart! I wanna eat your children, praise be to Allah!"

On se doute bien, que le dialogue n’a pas été pris au hasard… Écran ou poste ? Qui est le plus contagieux ? L’album ne s’arrête pas à ça, loin de la même. Le morceau qui m’avait retourné le cerveau et qui continue d’ailleurs est « Blood In Blood Out ». On retrouve encore une fois au début le sample d’un film (Le sixième sens), ou un dialogue parle des tueurs en série en disant en somme que les tueurs en série veulent devenir comme Dieu. Et il tue car il se dit qu’en faisant ce que Dieu a fait assez de fois, il deviendra Dieu lui-même. Car Dieu a le pouvoir, et c’est ce que veut ce tueur en série. Le morceau qui avait commencé sur un sample de guitare rappelant une mandoline laisse une place à un sample d’une vieille chanteuse russe. La voix rocailleuse et les lyrics hardcore bercé d’images et d’ego-trip font le reste. Assez puissant pour nous faire patienter jusqu’au refrain dévastateur du DJ, rendant toujours hommage à des figures du Hip Hop.

"I'm the definition of toxic
Anyone who ever got close to me got sick"

Dans « Nada Cambia », il pulvérise le mic à travers 3 couplets complètement barges. Il se compare à Khomeini ou encore Mussolini. Il dispose de dix mille façons pour te faire disparaître, la violence est poussée à l’extrême. Mais ce qui est surtout à noter dans ce morceau, c’est « la lettre » qu’il adresse aux rappeurs commerciaux avec des rimes qui parlent d’elles-mêmes :
 

"You ain't a thug money, you all maggots
You like to chill and hold hands with faggots
You like to conduct yourself like a savage
You like the smell of males on your mattress"

Il a toujours fait du vrai hip hop et de voir ces rappeurs à 2 francs squattér le haut de l’affiche, ça le frustre car c’est de la daube…Dans la continuité (des textes) on a aussi l’excellent Kublai Khan (qui est le petit-fils du grand Genghis Khan) avec Goretex et Tragedy Khadafi. C’est encore une fois l’une des multiples références dont s’inspire notre Mc, car comme je l’ai dit, ils font beaucoup de références à l’histoire. Et surtout des grands personnages historiques et des criminels. Ce qui est au final instructif pour ceux qui veulent s’intéresser et approfondir leurs connaissances. Le morceau « Animal Rap » fait appel lui à Kool G Rap, considéré comme le meilleur pour Vinnie. On retrouve aussi le remix de « I Against I », remplaçant ainsi Jus Allah par Crypt The Warchild (le 2ème membre d’Outerspace) qui lâche un couplet assez médiocre par rapport à celui de Jus. 

Legacy Of Blood

La dernière partie de l’article parlera de leur 4ème album studio « Legacy Of Blood ». Il est important de le mentionner ici car il est sorti un an après VOG et il est dans la même lignée. Il a subi les mêmes critiques mais celui-là demeure tout de même un cran en dessous. Niveau featuring on retrouve par contre de plus en plus de gros noms tels : GZA, Killah Priest & Sean Price. Bien que cet album ne contient lui non plus pas réellement de fausses notes, il s’est fait incendier car on retrouvait plus ce côté underground / hardcore qui avait marqué leur débuts. Ça prouve par contre que le groupe a une certaine maturité, évolue et se diversifie tout en continuant à faire de la bonne musique. Car si la forme change, le fond reste le même. 

La grosse claque de l’album est le morceau « On The Eve Of War » ou le Mc vétéran du Wu Tang se fait littéralement éclipser. On croirait assister à un combat de boxe, d’ailleurs le morceau possède deux versions. Une douce « Meldrick Taylor Mix » et une plus hardcore « Julio Cesar Chavez Mix » a l’avantage de Paz. Le son commence de suite avec des bruits de cloche comme dans un combat sur un ring. Et les rimes fusent :

"This is raw, all across the board, Liquid Sword Chamber
If it's coming from my jaw, then it's pure anger
Heavy metal rap, with a four four banger
We can settle that, let the mic cord hang ya"

Et comme notre Mc vénère Allah, il s’est permis de finir le morceau sur une citation du Coran. Le tout sur un violon destructeur et une batterie prête à vous faire sauter la tête, comme il le dit lui-même dans un morceau « Quand tu nous écoutes, faut pas seulement bouger la tête, faut tirer avec ton flingue dans le ciel !« . « Saviorself » avec Killah Priest est sur une mélodie très calme et apaisante, ou on voyage dans le temps en se mettant aux côtés d’illustres héros (ou meurtriers) comme : Alexandre le grand, Le Roi Arthur, les Pharaons… Enfin, restera le plus grand regret de cet album, c’est que le groupe n’a pas utilisé le magnifique sample iranien qu’on entend dans l’interlude « The Darkest Throne ». Pour être plus précis et pour aller plus loin, il est extrait du titre « To Biya » issu de l’album « Persian Treasures » (2001). Enfin, on peut lire dans sa biographie : « Maître intuitif, auteur primé, conférencière reconnue, enseignante et artiste, Mitra a passé les trois dernières décennies de sa vie à sensibiliser, guider et éduquer des milliers de personnes à travers le monde. Née en Iran d’une lignée de poètes et de la discipline soufie de son grand-père, Mitra a bâti sa vie sur les piliers de l’éveil spirituel, de la création artistique et du service. Mitra utilise la musique et la parole pour créer une imagerie puissante et continue chaque jour à tisser des voies qui apportent joie, guérison et sensibilisation à travers son travail au niveau mondial. »

Sa place dans cet album est donc une évidence.

Le morceau « Philosophy Of Horror » contrairement à son titre n’est pas si brutal que ça, on retrouve un sample latin / de salsa. En fait dedans il commence surtout à se décrire comme quelqu’un d’extra-ordinaire avec un esprit semblable à celui d’un Dieu. Qu’il était le meilleur vin italien, le cerveau d’Einstein, il a assisté à la décapitation du roi Charles et il était quand la C.I.A a commencé la guerre de la drogue… Il rejoue des moments historiques sous son propre point de vue en somme. Car il faut savoir, que beaucoup pensent que la drogue est un pure produit de la C.I.A et du gouvernement et qu’ils profitent à fond à l’économie américaine. En effet on estime, que la drogue a été introduite dans les ghettos pour affaiblir / tuer les gens et que son trafic rapporte beaucoup d’argent à l’État (cf. le film Kill The Messenger). Mais je pense que ça a pris d’autres proportions car ils ne pouvaient pas tout prévoir et tout contrôler. Donc tant que ça profitera à l’État, ils vont continuer à laisser la drogue en circulation.
 

Ne prenez pas non plus tout ce que disent les rappeurs, politiciens, comédiens… au sérieux, renseignez-vous par vous-mêmes avant tout. On va en revenir à l’album et finir sur le morceau qui m’a le plus marqué, sûrement l’un des meilleurs de leur discographie. « Before The Great Collapse », qui pourra se traduire par « Avant la fin ». Il est très prenant car le rappeur qui déborde habituellement d’énergie et de rage, se sent faible et parle de suicide. Il a écrit ce morceau comme une lettre adressée à sa mère qu’il chérit par-dessus tout depuis la perte de son père et ses amis. Ça commence sur un petit sample avec un son qu’on distingue légèrement et une voix dit par-dessus :

"To face what we are in the end
We stand before the light
And our true nature is revealed
Self-revelation is annihilation of self"

Il se lamente et dit qu’il ne se sent plus utile, qu’il n’a plus rien à apporter, ni à donner… Il parle beaucoup à sa mère et ne veut pas la blesser mais il insiste sur le fait que depuis la mort de son père c’est dur. Et bien que sa mère soit une personne magnifique à ses yeux, il ne supporte plus la vie. Il en place une aussi pour ses potes rappeurs. Il parle aussi d’une « June » qui est surement son ex ou sa femme en disant que c’était la femme de sa vie et qu’il l’aimera éternellement. Mais qu’il ne faut pas lui en vouloir car c’est le destin qui lui-même est régi par Dieu. De cette façon la douleur partira, personne n’est à blâmer, il va rejoindre le paradis. Le monde n’est qu’un cimetière de toute façon, on vit tous avec une horloge a l’intérieur de nous mais impossible de la consulter.  
 
Pourquoi s’accrocher sachant qu’on n’emportera rien ? Même les plus forts ont leurs faiblesses, c’est peut-être ce qu’il essayait de nous faire comprendre par ce morceau.

Note : J’ai volontairement fait l’impasse sur leur album « The Psycho-Social, Chemical, Biological & Electro-Magnetic Manipulation of Human Consciousness » qui ne constitue pas une pièce maîtresse dans leur riche discographie.

Note 2 : Je ne l’ai pas mentionné, mais Dj Drew Dollars a fait partie du groupe de 1993 à 1997. D’autres articles viendront compléter leur histoire notamment sur Vinnie Paz et Army Of The Pharaohs.

Rédigé Par Fathis