Hip Hop Sans Frontières

[Portrait] The OG Ninja

The OG Ninja

Localisation : Bronx, New York

The OG Ninja, trajectoire d’un enfant du Bronx

The OG Ninja, jeune artiste américain d’origine dominicaine et portoricaine installé à Miami en Floride, continue d’impressionner en imposant son style particulier au sein du rap jeu underground américain. Chez Hip-Hop sans Frontières, la qualité de ses derniers projets ne nous avait pas échappé. Et l’idée de mettre en lumière son univers est tombée sous le sens dès la sortie, cet été, de son album stratosphérique « Cocacabana ». Artiste particulièrement talentueux et polyvalent, tout juste âgé de 32 ans, il endosse à la fois la casquette de emcee, beatmaker, producteur et ingénieur son, mais aussi d’artiste graphique, au grès des projets qu’il réalise ou sur lesquels il collabore, notamment avec son label « Meraki Gallery ». C’est donc un artiste d’expérience, accompli, complet et hautement qualitatif qu’on vous propose de découvrir ici.

Natif et originaire du quartier du Bronx à New-York, il vogue entre différents mouvements musicaux dès son plus jeune âge et s’implique dans diverses formes d’expression artistique, de la musique à la création graphique, en créant notamment plus tard sa ligne de vêtements ou encore sa propre marque de skate. C’est d’ailleurs dans son quartier d’origine, le Bronx, que ses amis d’enfance, ses « grands frères » du Crew « The New York City Ninjas » qu’il fréquentait alors, l’affublent de ce surnom de « The OG Ninja », un blaze qui, dès lors, ne le quittera plus. OG, ou « Original Gangster », est un clin d’œil à son jeune âge, une manière de souligner avec humour et affection le fait qu’il soit le plus jeune du Crew.

The OG Ninja

Il collabore d’abord avec « Approach the Lion », un groupe de rock / métal avec lequel il sortira un premier EP deux titres en vinyle, « Shadow of Death », puis, très vite, il découvre l’univers du Hip Hop. Il va alors naturellement y trouver sa place pour s’y épanouir jusqu’à s’y révéler en tant qu’artiste rap à part entière. Ainsi, il rejoint respectivement deux groupes de rap, « Amongst The Lost », au sein desquels il fera ses classes, d’abord en tant que beatmaker, puis en tant que emcee. Une trajectoire somme toute assez logique lorsqu’on grandit dans un quartier comme le Bronx. Mondialement reconnu pour être le lieu de naissance du mouvement Hip Hop dans la fin des années 70 avec l’arrivée des premières « block-parties » initiées par le Selector Jamaïcan DJ Kool Herk accompagné de son Sound System, le Bronx l’est aussi pour ses artistes rap légendaires  tels que Grand Master Flash, KRS One, Fat Joe et Big Pun, ou encore le très regretté Chino XL, qui nous a récemment quitté – R.I.P King !

The OG Ninja

Ainsi, The OG Ninja se moque des frontières stylistiques et on le retrouve partout où son instinct d’artiste le guide : skate, vêtements, rock, rap, micro, sampler ou boîte à rythme, bref, il touche à tout ! Fort de ces diverses expériences enrichissantes, véritable autodidacte, c’est finalement seul qu’il décide de construire sa carrière d’artiste accompli. Et ce choix va lui ouvrir un champ des possibles et un spectre d’action sans limites ni barrières. Cette plus grande liberté va lui permettre de construire une identité et un univers singulier, ce qui se ressent projet après projet dans l’évolution de sa carrière.

C’est donc un artiste qui ose et qui ne se laisse pas enfermer dans des cases, et sa notoriété dans le milieu n’est clairement plus à faire. A 32 ans, il jouit déjà d’un solide réseau, s’étant attiré la sympathie et la confiance d’artistes et d’écuries légendaires du milieu. Grand performeur, il a partagé la scène avec de multiples artistes de renom tels que Talib Kweli, 2 Chainz, ou encore son ami OT the Real.

2 Chainz

Par ailleurs il est devenu très proche de la sphère Griselda, le trio porté par West Side Gunn issu de Buffalo, qu’on ne présente plus. Ainsi, il tourne régulièrement avec Benny the Butcher, Conway the Machine, mais aussi Rome Streetz, Rick Hyde de la Black Soprano Family ou encore Grafh. La preuve qu’OG The Ninja est un artiste qui compte sur la scène rap underground américaine et plus largement internationale !

Affiche concert Benny The Butcher & Rick Hyde

Niveau collaborations musicales, sur ses albums, c’est la même chose. On retrouve dans ses projets la présence de sacrées pointures. Par exemple, sur son album « 1992 », en référence à son année de naissance et sorti en 2021, c’est tout simplement Busta Rhymes qui lui compose l’intro ! Et ça ne s’arrête pas là ! On retrouve aussi sur son tableau de chasse des trophées tels que le non moins légendaire et pionnier MC Search, du groupe fondateur 3rd Bass de chez Def Jam, et particulièrement actif dans les années 80’ et 90’. On retrouve aussi XP the Marxman, un des protégés de Roc Marciano, ainsi que certains autres artistes de l’écurie Griselda dont il est particulièrement proche.

Roc Marciano & XP The Marxman

El Camino et Estee Nack sont par exemple tous les deux présents sur son dernier album, l’excellent « Cocacabana », sorti en Juillet 2024, tandis que Boldy James est présent sur le plus intimiste et non moins excellent album « Joe Frank » sorti en 2021. Ces deux albums, véritables phares dans la carrière de The OG Ninja sont clairement de réelles pépites, et ce sont d’ailleurs, de son propre aveu, ses projets les plus aboutis. Ils méritent vraiment d’être écoutés afin d’entrer pleinement dans l’univers de cet artiste et en saisir toute l’essence. Ces deux projets marquent qualitativement et musicalement un réel tournant dans sa carrière, et non des moindres : celui de la maturité et de l’excellence.
Et ce n’est pas un hasard si ces deux projets sont sortis en format vinyle, disponibles sur sa page Insta : Marc « The OG Ninja » Irizarry. Les beats qui composent les deux projets sont tout simplement stratosphériques, et le choix des textes toujours murement réfléchis.

Mais The OG Ninja ne s’est pas limité à ces seuls trois albums mentionnés, loin de là ! Il a sorti un nombre impressionnant de projets sous diverses formes et divers formats. C’est le cas par exemple de son concept « Heirbraynschemes », dont le premier opus est sorti en Juillet 2023, et dont le second sort en ce moment même, « Heirbraynschemes II », disponible sur la chaîne YT de l’artiste  Il s’agit là du second EP de ce concept original collaboratif réalisé en association avec le beatmaker « DurtyBrayns », présent depuis le début sur le concept, d’où le titre choisi ! Vous pouvez d’ailleurs suivre le travail créatif de DurtyBrayns via son insta: DurtyBrayns, et son SoundCloud

Cover EP « Heirbraynschemes II »

On retrouve dans certains beats du premier opus l’influence de ses débuts dans rock/Métal, avec son tout premier EP collaboratif avec le groupe « Approach the Lion ». The OG Ninja est donc un grand nostalgique ! Et la couleur musicale de ce concept le démontre d’autant plus : c’est un hommage à sa passion pour les années 80’, les « Heirbraynschemes » reprenant tous les codes de cette période. En effet, le second volet est un hommage à peine caché au film « Scarface », et avant tout à sa ville d’adoption, le Miami des 80’. C’est bien dans cette ville que se déroule le film légendaire de Brian De Palma et Oliver Stone qui a marqué durablement toute une génération mais aussi particulièrement le milieu du rap.

Ainsi, The OG Ninja navigue avec beaucoup d’aisance d’un style à l’autre, et ses différents projets dévoilent une palette particulièrement hétérogène et qualitative. On peut citer parmi ses plus belles réussites le très intimiste et mélancolique EP 5 titres « Familia », sorti fin 2021, dans un style totalement différent des « Heirbraynschemes ». The OG Ninja, en véritable story-teller déploie cette capacité à nous prendre par la main pour nous faire remonter le temps et revivre avec lui ses souvenirs les plus marquants. Mais il a aussi cette capacité à exprimer avec beaucoup d’humilité les principes qui l’animent en tant qu’homme et artiste accompli. Vibrant hommage à ses parents, la cover de «Familia » n’est autre qu’une photo souvenir de leur lune de miel en 1991, un an avant sa naissance.

On est donc bien loin des rappeurs s’inventant une vie de caïd des rues, jouant à fond la carte de l’illusion avec fausse joncaille et liasses de papier insignifiant…  OG se sert véritablement de la musique comme exutoire, mais aussi comme support d’expression intimiste plein de sincérité et de réflexions autour de valeurs qu’il a plaisir à partager avec son auditoire. Bref, il est un artiste respectueux et respectable, simple et humble, bourré de talent, qui mérite un soutien et une force que d’autres peuvent recevoir sans pour autant en mériter le centième. Alors n’hésitez pas à foncer découvrir son travail, ses meilleurs projets sont disponibles sur les plateformes d’écoute comme Spotify ou encore sur sa page YouTube.

Sur l’EP « Familia », The OG se balade avec une aisance impressionnante sur des beats pleins de mélancolie, se livrant sur sa vision de la famille et transmettant avec poésie et finesse sa philosophie de vie au sein de laquelle la famille tient une place centrale. Cet EP montre aussi la diversité des orientations que peut prendre The OG et la liberté artistique et créative dont il jouit et dont il ose se saisir. Passant de beats émotionnellement sombres et profonds à des beats se rapprochant presque de rythmes trap, il propose autant des phases de chant que des phases de rap à l’ancienne… On retrouve encore la marque de ses origines, que ce soit dans sa facilité à passer de l’anglais à l’espagnol que du point de vue des principes qu’il y défend. Simplement magnifique ! Un EP qui vous prend aux tripes autant d’un point de vue musical que textuel.

Un autre projet qui mérite absolument une écoute attentive, c’est l’album «Year of the Ninja », sorti en Septembre 2019, et duquel est extrait le clip du banger « Overdrive », dont le beat a été produit par NTRNKA. On se devait de vous introduire à l’univers d’OG The Ninja par cette pépite, c’est pour cela qu’il est présent dès le début de ce portrait. Cet album est truffé de morceaux puissants, les beats étant tous autant les uns que les autres d’une qualité et d’une force remarquable. Le track « Figure it out », par exemple, en feat avec Niko IS et produit par Karel, montre à quel point cet album est lourd.

« Patria » et « The Only Sun » sont deux autres projets qui valent leur pesant d’or, tous deux également disponibles sur la chaîne YouTube de l’artiste. Et l’histoire de ces deux albums est à couper le souffle, autant d’un point de vue du contexte de leur réalisation que de leurs enregistrements. « Patria », sorti en Octobre 2021, a été enregistré en à peine une nuit, durant le « Love will get killed Tour», tournée de concerts de Conway the Machine et Stove God Cook sur laquelle The OG Ninja était booké en première partie. L’album se déploie autour de beats de nature jazzy / boombap particulièrement doux et harmonieux. « Patria » est un sans faute, magnifiquement bien produit et interprété. Un équilibre parfait, une véritable obésité rapologique ! On retrouve d’ailleurs dans cet album toute l’influence hispanique des origines portoricaines et dominicaines de The OG. En effet, « Patria » n’est autre que le prénom de sa grand-mère, terme qui, par ailleurs, renvoie à de nombreuses significations dans la culture hispanique, dont la patrie des ancêtres. 

Conway The Machine, Benny The Butcher et Westside Gunn

L’album « The Only Sun », sorti en Octobre 2022, quant à lui, a été enregistré durant le « Burden of Plugs Tour », la tournée de Benny the Butcher, autre membre du trio fondateur des Griselda, accompagné de OT The Real, et sur laquelle The OG Ninja était aussi booké en première partie. Durant ces concerts, il va sceller des liens forts avec tous ces artistes de renommée mondiale, ce qui va avoir un impact non négligeable sur la progression de sa carrière par la suite. En effet, son réseau va s’élargir et lui permettre de collaborer avec les artistes de la sphère Griselda sur ses futurs projets, comme sur « Joe Franck » avec Boldy James ou « Cocacabana » avec El Camino et Estee Nack. Ainsi, en plus de la qualité indéniable du travail de fond opéré par The OG, l’écurie Griselda va elle aussi contribuer à sa notoriété.

The Burden Of Plugs Tour

A noter que Westside Gunn, figure de proue du trio Griselda, revendique régulièrement ce désir profond de soutenir et porter les artistes prometteurs de la nouvelle génération underground. Son but étant de soutenir au mieux cette nouvelle dynamique renaissante autour du rap underground de cette dernière décennie. Un clin d’œil à peine caché aux légendaires Wu Tang Clan qui, depuis 30 ans, n’ont eu de cesse de porter et de promouvoir de multiples artistes, affiliés ou non…

Afin de saisir pleinement la sensibilité et la qualité d’un artiste aussi qualitatif et protéiforme que The OG et d’en comprendre tout l’univers, nous avons décidé de mettre la lumière sur deux de ses albums qui nous paraissent être des marqueurs dans sa carrière. Le premier, « Joe Frank », sorti fin 2021 est un vibrant hommage à son père disparu et cette épreuve marquante a indéniablement joué un rôle dans son évolution artistique. Quant au second, « Cocacabana », son avant dernier album sorti en Juillet 2024, il est la pépite qui représente de loin le mieux le fruit du travail engagé depuis tant d’années par The OG. « Joe Frank » est l’album de la maturité, pour le contexte dans lequel il a été composé et le résultat qui en est sorti, alors que « Cocacabana » est tout simplement l’album de la consécration. Chacun de ces deux projets est exceptionnel pour des raisons différentes, et c’est ce que nous allons voir ensemble dans la chronique à suivre.

Rédigé par Mehdi Malah a.k.a Ranking Sarazin

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