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Les arts martiaux dans le hip hop : Only Built 4 Cuban Linx / Liquid Swords

RZA, l'homme qui a incorporé l'Asie via le Wu Tang Clan

"You are watching a master at work"

Combien de fois avons nous entendus ce sample ? Est-il vérifiable pour chaque artiste ?

Only Built 4 Cuban Linx / The Killer (John Woo)

L’idée est juste de mettre les évidences sous la lumière et de parler de ces deux classiques. Le film de John Woo est sorti en 1989, deviendra une référence du genre, un film de « gunfight » ou « gun-fu » made in Hong Kong. 
Chow Yun-Fat, joue le rôle d’un tueur à gages. Il tombe amoureux d’une chanteuse après l’avoir rendu aveugle, il accepte un contrat pour financer une opération pour cette femme. Ses patrons décident de se retourner contre lui. Ce qui est à noter, c’est que l’inspecteur de police fera équipe avec le tueur à gages. Et c’est là que c’est intéressant, car ça fait de suite référence à Raekwon et Ghostface Killah, deux styles opposés qui doivent s’associer. RZA avait déjà tout prévu. 
 
L’introduction de l’album ouvre avec ce film d’ailleurs où en somme, nous comprenons qu’ils ne veulent pas vivre toute leur vie dans l’illégalité. « Incarcerated Scarfaces », « Rainy Dayz » et « Wu-Gambinoz » sampleront aussi le film. 

"Étant donné que Rae et Ghost étaient deux gars opposés en ce qui concerne les quartiers, j'ai utilisé The Killer de John Woo. [Dans ce film] vous avez Chow Yun Fat [jouant le rôle d'Ah Jong] et Danny Lee [Inspecteur Li]. Ils doivent devenir des partenaires pour régler une affaire. Surtout [des interludes parlés] de The Killer sur cet album, ça ou des discussions personnelles. J'ai rencontré John Woo la même année. Il m'a envoyé une lettre. Il était honoré que nous l'ayons fait (utilisé son film). J'étais confiant que nous pourrions collaborer. Vous pouvez généralement régler ce genre de chose. Ça fait partie du budget. Mais John Woo ne voulait rien, pas d'argent pour ça. Nous sommes en fait devenus amis. Il m'a emmené moi et Ghost déjeuner et dîner plusieurs fois. Il m'a donné beaucoup de mentorat au cinéma."

On peut clairement dire que l’album s’appuie sur LE film qui a inspiré d’autres films et que ce classique de 1994 va inspirer énormément d’albums et de rappeurs en termes de « mafioso rap » dont Nas et Jay-Z. L’autre référence au kung-fu, c’est le morceau « Guillotine (Swordz) » avec Inspectah Deck, GZA & Ghostface Killah. Rien d’autre qu’une joute verbale qui s’inspire du film « Shaolin contre Lama », ce qui est parfait pour illustrer le morceau. Cet album illustre le coté rude, mafioso et hardcore du clan et qui touche donc une autre catégorie d’auditeurs. Ce qui vient contraster avec un autre classique…

GZA - Liquid Swords / Shogun Assassin (Robert Houston)

Autre classique de la même époque dans un autre style par contre. L’intro est finement choisie et lance parfaitement l’album et GZA le dira, c’est un morceau où il veut montrer qu’il est sans équivalent.
C’est comme si le sang et les beats, l’épée et le micro étaient totalement maîtrisés, faisant parti d’eux. Les artistes rentrent en scène non pas dans l’ombre comme des ninjas, mais comme une armée de samouraïs venant terrasser tous les mc’s du game qui n’apportent rien. La pochette de l’album montre une bataille rangée sur une partie d’échec. GZA au premier plan a un micro dans une main et une épée dans l’autre. Deux-pièces de son arsenal personnel, celles qu’il maîtrise le plus.
 

Le morceau « Duel Of The Iron Mic » incluant Ol’ Dirty Bastard, Masta Killa & Inspectah Deck répond bien à cela. Chaque usant d’une technique et d’un flow différent, use par conséquent d’un style de combat différent. Ici aussi, on se bat pour la suprématie, mais celle du meilleur au micro. Ceci se passe en ville dans des studios à défaut de se passer dans la Japon féodal loin de l’urbanisation. Pour finir sur la métaphore, tous les Mc’s présents sur le titre se donnent à fond, mais aucun ne l’emporte. Chacun fait sa route, à l’image de ce qu’ont fait les membres du Wu… qui se retrouvent par moment pour confronter de nouveau leur Micro d’Argent.

D’ailleurs, les samples dans ce morceau font appel au film « The Dragon, The Hero » appelé également « Dragon On Fire » et décrivent bien cela comme on peut l’entendre à la fin du morceau :

"(At the height of their fame and glory, they turned on one another
Each struggling in vain for ultimate supremacy
In the passion and depth of their struggle
The very art that had raised them to such Olympian heights was lost
Their techniques vanished
)"

"Au sommet de leur célébrité et de leur gloire, ils se sont retirés
Chacun luttant en vain pour la suprématie ultime
Dans la passion et la profondeur de leur combat
L'art même qui les avait élevés à de tels sommets olympiens a été perdu
Leurs techniques ont disparu
"

On est pas loin de dire que le monde est dominé par la lutte et tout comme les guerriers luttaient et luttent encore dans les films d’action, les rappeurs font pareil. Que ce soit dans le gangsta rap, pour faire son trou ou juste pour s’en sortir, on s’y retrouve. Rappelons que dans Shogun Assassin, on suit l’histoire d’un enfant de 3 ans et son père en quête de vengeance… Le parallèle peut vite être fait en disant qu’il est dans un gâchis semblable à la situation d’un enfant né dans les ghettos, plongé dans la violence des gangs, le trafic de drogue… 
 

Ces personnages, les héros du film, maudits par des soi-disant « choix » impossibles par les circonstances et le devoir, nous font considérer combien les gens empruntent des voies de violence et de criminalité par choix, par rapport à d’autres qui sont poussés à s’engager dans ces modes de vie. La thématique de l’album touche beaucoup ce versant et les samples viennent le confirmer. Ce qui est fou, c’est que tout a été ajouté après l’enregistrement de l’album !

Dans « I Gotcha Back » GZA se compare ses compétences à celles d’un maître épéiste triomphant avec un autre sample de scène Shogun Assassin. Cette fois, sa technique est si parfaite que son adversaire ne peut que l’admirer jalousement, alors même que son sang coule de son cou parfaitement tranché. Puisque « I Gotcha Back » est considéré comme le « vrai » morceau de clôture de Liquid Swords (B.I.B.L.E. étant un morceau bonus), ce coup de grâce sert à ponctuer avec élégance l’album. Et je conclus moi avec « Swordsman » (Épéiste) qui consiste à s’instruire et à ne pas croire tout ce qu’on vous dit. C’est aussi le seul morceau de Liquid Swords sur lequel GZA est le seul interprète.

Comme en témoigne la discographie de Wu-Tang, ce groupe de Mc qui est fortement influencé par les arts martiaux, le dialogue dans l’intro et l’outro est du film Shaolin contre Wu Tang, celui qui a inspiré le nom du clan.

Dans une interview pour Clash Music, RZA explique :

"Il est arrivé un moment où j'ai identifié le style que je pensais avoir, une définition, et le mot pour cela était Wu-Tang, ce qui signifie "Le style de l'épée ..." Donc, le concept du style Wu-Tang est venu, et nous étions le Wu-Tang Clan, et… tout le monde a accepté d'être Wu-Tang. Tu sais, ce que je fais, c'est Wu-Tang."

GZA en 1994:

"Wu-Tang représente un style d'épée de rimes. Étant donné que nous sommes des assassins lyriques, nous sommes conscients que la langue est symbolique de l'épée, comme lorsqu'elle est en mouvement, elle produit du vent. C’est comme quand vous entendez le mot "wu", vous entendez le vent. C'est aussi le son que vous entendez quand une épée se balance sur votre cou ; c'est pourquoi nous disons de te protéger le cou."

Shaolin Shadowboxing représente les instrus et les productions de RZA. Le style d’épée Wu-Tang représente le flow et les paroles.

Donc comme on le voit, ils ont beaucoup puisé dans les films asiatiques.

Rédigé par Fathis