L’autre morceau marquant de cet album est le magnifique « Razorblade Salvation ». Dans l’article précédent, je vous avais parlé des envies suicidaires de Paz, mais qu’en est-il en 2 ans ? Ce morceau est en fait, tout son contraire (ouf !) et il revient sur ce qu’il a dit et change clairement de discours. Il a relu sa lettre et s’est finalement dit que bien qu’il n’est pas parfait, qu’il peut être néfaste à son entourage, ça ne vaut pas le coup de s’ôter volontairement la vie. Il se tue en drogue et en alcool pour oublier tout ça, mais désire tout de même être un exemple pour ses neveux/nièces, sa copine… Il pense aussi énormément à sa grand-mère décédée qui lui a beaucoup apporté, il a quand même du mal à comprendre la vie et ce qui entoure malgré toutes ses expériences et ses connaissances. Comme il dit, il vaut mieux mourir avec une âme que vivre sans en avoir une.
" It's better to die and sleep
Then never wake and sleep
Then linger on and dare to live
When the soul's life is gone"Vinnie Paz - Razorblade Salvation Tweet
Il en vient presque à regretter sa lettre et demande à sa mère de la garder pour elle et de ne plus en parler. Le son est assez prenant d’autant plus que la chanteuse Shara Worden, qui fait partie de My Brightest Diamond est au refrain. D’autres morceaux notables dans l’album aussi comme : Outlive The War, Gutta Music, Black Winter Day… Niveau feats : Ill Bill, Sean Price, Blocc Mccloud ou encore Reef The Lost Cauze. Une autre version contient 3 morceaux bonus, un DVD et un clip, c’était en vogue à une époque où il n’y avait pas les réseaux sociaux et les accès illimités à la musique et à la vidéo.
Il faudra encore attendre 2 ans pour voir un nouvel opus estampillé Jedi Mind Tricks, soit le 25 novembre 2008 pour écouter « A History Of Violence » . Cependant, nous n’avons pas eu le temps de souffler entre temps, car ils ont participé à plusieurs projets dont :
Beaucoup de travail donc, mais le plus important est le retour de Jus Allah ! En effet, il avait quitté le groupe après Violent By Design, les raisons sont floues, ce qui est certain, c’est qu’il n’était pas serein concernant la signature sur le label Babygrande Records. Il signera sur le label Omnipotent Records, fondé par un ancien collaborateur nommé Virtuoso. Hélas, ce label ne fera pas long feu et se contentera principalement de distribuer les albums de son fondateur. Jus est sur son premier album solo (cité plus haut) qu’il finit par faire et enregistrer chez… Babygrande Records. C’est très confus, car dans un premier temps, il prend ses distances avec ce label pour y signer en solo, avec JMT et sortir son premier solo ! C’est une autre histoire, on verra cela dans un dossier dédié à JA.
Vinnie Paz quant à lui n’a jamais été autant actif depuis leur dernier album, il a en effet lancé quelques artistes comme Doap Nixion & King Syze ainsi que les deux premiers album sdu collectif Army Of The Pharaohs dont il fait partie. C’est un album qui a été très mal reçu autant par les fans que par la presse.
Je vais essayer d’analyser cet album avec le recul que j’ai aujourd’hui. La première faiblesse vient de l’une de ses forces antérieures : Jus Allah. Alors, oui, il est de retour et personne ne va s’en plaindre. Sauf qu’il a perdu de sa superbe, il est revenu encore plus hardcore et agressif dans son flow qu’avant. Il avait déjà placé la barre très haute, mais il a réussi à la rehausser, incroyable. Résultat, il a perdu ce côté fantomatique en se contentant de quelques apparitions, des punchlines et ce coté « produit brut » qu’il abordait si bien. C’est un déferlement de rage, de violence, une voix caractérisée par la prise de substances et il est moins surprenant. De plus, Vinnie Paz est très présent, occultant encore l’apport de son allié. On pourrait conclure en disant que c’est devenu presque trop sérieux pour Jus. Lui qui avait l’étiquette du rappeur underground, ce son bien caverneux sur des beats granuleux se retrouve sur le devant de la scène avec des beats plus épurés.
Le second point, c’est la qualité des productions. Elles sont assez homogènes dans l’ensemble des 14 titres rappés, mais peu surprenantes, pourquoi ? Une certaine ressemblance, on comprend qu’on a voulu garder une ambiance de « terreur », violente. Stoupe voulait coller au thème de l’album, mais le travail est trop bien fait du coup. Résultat, on se retrouve avec des beats qui ne surprennent pas tant que cela, et les invités bien que tous excellents se contentent de faire du AOTP. Finalement, personne ou presque ne casse le rythme si ce ne sont les refrains chantés de Blocc Mccloud ou les performances de Demoz. Concrètement, on est sur un bon/excellent album de rap dans l’absolu. Mais quand on s’appelle Jedi Mind Tricks et qu’on passe des featurings de prestige à des rappeurs de son entourage ; des thèmes variés et un « renouveau » à un style pour les puristes, cela passe moins. Encore une fois, ce n’est pas la qualité des feats qui est mauvaise, ce sont les schémas des morceaux qui ne varient pas assez. On a l’impression d’être dans le troisième album d’Army Of The Pharaos. On y trouve d’ailleurs beaucoup de scratch de Dj Kwestion. Un signe qui ne trompe pas, ce sont les interludes si prisés de Stoupe The Enemy Of Mankind. Au nombre de 4, on les sent un peu tiré par les cheveux, moins inspiré (le thème oblige) et beaucoup moins marquant.
Résultat, il manque un banger, un single qui sort réellement du lot. On retiendra avant tout « Monolith » qui fait partie des meilleurs titres du groupe ou Jus excelle précisément. Les autres titres marquants sont : Trail Of Lies, Seance Of Shamans, Death Messiah, Deathbed Doctrine, Deadly Melody et l’interlude « Those With No Eyes ».
"We murder shit like everything the Europeans touch I dont even talk to mother fuckers, that could lead to trust"
Vinnie Paz - Terror Tweet
"Incredible, unforgettable, undetectable, impeccable, the inevitable Unprofessional, unscheduled rebel, disheveled, unsettled, unleveled"
Jus Allah - Monolith Tweet
"I'm a candle blown, I have hands of bone I am smart and old, I am dark and cold I have a pawn shop of parts, I have a heart of gold"
Jus Allah - Heavy Artillery Tweet
"I'll drink the period blood of a fucking virgin priestess"
Vinnie Paz - Deadly Melody Tweet
Si on avait bien un départ et un retour de Jus Allah dans l’histoire du groupe, il y a une surprise plus grande encore. Le départ de Stoupe, le légendaire producteur du groupe ! Aussi incroyable que cela puisse paraître, celui qui a tant façonné l’identité du groupe s’en va. La raison officielle est qu’il ne se sent plus attiré par la musique de rap et souhaite prendre ses distances. Le label Babybrande sortira en 2009 « The Decalogue », le seul album du producteur avec : Slaine, Saigon, M.O.P, Supastition, Joell Ortiz… Et des membres d’AOTP. La seconde raison officielle est qu’il désire également expérimenter autre chose dans la musique, aussitôt dit, aussitôt fait. Il forme le groupe « Dutch » avec la chanteuse Liz Fullerton. Il y a beaucoup à dire sur la suite de sa carrière, mais ce n’est pas le moment d’en parler.
En tant qu’observateur, on peut se dire qu’il avait plus ou moins fait le tour de ce qu’il voulait en termes de rap. En gros, il a plié le game, et il s’en va pour mieux revenir. Cela rejoint l’essoufflement de ses prods sur le dernier album. Il est toujours resté en bon terme avec Paz et il était le bienvenu sur le futur album pour proposer des prods.
"I believe that even Jesus has a way to kill"
(Je crois que même Jésus était capable de tuer) / Personne n'est exempt de défauts.Jus Allah - Design In Malice Tweet
Parlons-en justement de « Violence Begets Violence » (novembre 2011), combinaison inédite, car on retrouve seulement Vinnie Paz et Jus Allah. L’autre fait très important et le départ du groupe de Babygrande. En effet, Paz fondera son propre label : Enemy Soil. Concentrons-nous seulement sur l’album qui nous intéresse bien que le catalogue du label est assez fourni. L’album voit le jour en 2011, 14 titres dont une intro et pas d’interludes, format inédit. L’album sert grossièrement d’introduction à la nouvelle recrue : C-Lance. Il a un style qui colle bien à celui du groupe et leur fournit 4 beats qui sont tous de haute volée. Le second beatmaker a se faire remarquer est Mr. Green qu’on connaît déjà un peu plus. Il signe le classique de l’album et le plus gros hit du groupe à ce jour « Design In Malice ».
Le sample provient d’une musique russe nommé « Pol’ushko, Pole » qui est très célèbre en terre russe. Ce titre s’est retrouvé un nombre incalculable de fois sur des vidéos virales à l’époque. La majorité ignorait que c’était JMT qui en étaient les détenteurs. Le classique donne la parole à Young Zee sur un couplet et Pace Won au refrain. Tous deux font partie du groupe « Outsidaz » qui inclut également des membres comme Rah Digga. Véritable succès commercial et auditif, le clip qui contient des images assez hardcore tourné en noir et blanc cumule rapidement des millions de vues. L’autre producteur qui tire son épingle du jeu est Grand Finale, moins célèbre mais très efficace. La chanson « Carnival Of Souls » où Demoz vole encore la vedette est incroyable. Le titre « Chalice » demeure assez étonnant en multipliant les connexions, la première avec Illinformed (beatmaker de Londres) et l’artiste Chip Fu, chanteur de reggae très orienté rap, membre du groupe Fu-Schnickens. Et puisque le rap de qualité ne connaît pas de frontières, ils ont allé chercher en Europe, des talents cachés : Nero (Italie), Shuko (Allemagne) et Junior Makhno (France).
Résultat, l’album dépasse les attentes et permet au groupe de prospérer et de regagner le devant de la scène. Mais qu’on se le dise, ce n’est pas un réel album de JMT pour moi, c’est une sorte d’hors-série plus que réussi. Des prods aux lyrics, le niveau est très élevé. Suite au prochain épisode…
Rédigé par Fathis